AirBnB & Co : le mirage de l’économie collaborative
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A force d’opposer l’économie collaborative aux modèles traditionnels de l’économie, on a fini par en faire des ennemis. Il faut dire que le système capitaliste tel qu’on souhaite nous le vendre consiste à consommer, consommer toujours plus et toujours plus vite. Sur un simple plan de bon sens, si 7 milliards d’être humains se mettaient à consommer et gaspiller autant que les européens et les américains, il n’y aurait d’une part une pénurie de ressources (qui conduirait de facto à une flambée des prix, conduisant de facto à ré-affamer la moitié de la planète) et d’autre part une sur-pollution qui aurait un impact évident sur l’écosystème, conduisant là aussi à une diminution de la production animale et végétale, donc à la pénurie et ainsi de suite...
Même si les baby boomers occidentaux trouvent que leur modèle de société est le meilleur, les nouvelles générations ont pris conscience que malgré tous leurs efforts elles ne pourraient pas profiter de ce dont les générations antérieures ont profité. La relation des « milleniums » à la propriété est d’ailleurs un vrai casse tête pour les gens du marketing.
Et si on considérait que les deux économies sont complémentaires et permettent à la consommation de devenir raisonnable et respectueuse des ressources et des gens ?
Côté clients...
Côté client, beaucoup ont appris à utiliser à bon escient l’économie traditionnelle et l’économie collaborative de manière très complémentaire.
Dans une économie en perpétuelle récession ou quasi depuis 30 ans, tous les moyens sont bons pour faire des économies. Les cartes se redistribuent dans tous les secteurs de l’économie :
on loue sa perceuse ou son karcher qui s’use plus à ne servir que 2 fois par an qu’à servir régulièrement
on loue sa voiture pendant qu’on est en voyage à l’étranger et du coup on économise le parking horriblement cher de l’aéroport
on loue sa voiture quand on habite en ville et ne se sert de sa voiture que rarement
on loue son appartement quand on part en vacances
on loue un ou plusieurs sièges vides quand on utilise sa voiture pour faire un Paris-Genève
Une source d’inspiration
Les professionnels pourraient d’ailleurs s’inspirer des caractéristiques de l’économie collaborative pour adapter leurs offres et éventuellement diminuer leurs prix :
on remet de l’humain au cœur du quotidien : en personnalisant la relation de prêt/location, le locataire se comporte globalement mieux. C’est d’ailleurs ce qui a fait la réussite des chambres d’hôtes, formule hybride entre le modèle collaboratif et le modèle capitaliste classique
sur AirBnB pas de ménage compris, hormis l’option de fin de séjour : un client qui passe 3 jours à l’hôtel pourrait très bien se passer du ménage et même de linge propre en cours de séjour
sur Tripndrive (location pas chère pour le locataire et parking gratuit à l’aéroport pour le propriétaire), le locataire rend la voiture propre
sur les sites de co-voiturage, le chauffeur fait souvent un détour pour récupérer/déposer son passager. Si le passager avait pris un transport un commun, il serait à la gare ferroviaire ou routière et devrait faire les derniers kilomètres à pied ou en taxi
etc...
Redéfinir les contours de son offre permettrait sans doute de toucher d’autres clients. Ce pourrait également être un bon moyen de montrer aux clients qu’on les écoute...
Les dérives
Le vrai problème du modèle collaboratif, ce sont les abus :
ceux qui font l’aller-retour en minibus Paris-Marseille, Paris-Lille, Paris-Bordeaux... à longueur de temps : cette activité devient une activité professionnelle, mais sans tenir compte des contraintes auxquelles sont confrontés les transporteurs professionnels (assurance responsabilité civile, assurance passager, âge du véhicule, contrôle technique annuel plus complet, etc... sans oublier les charges patronales et les charges classiques d’un professionnel)
ceux qui louent leur(s) résidence(s) secondaire(s) à longueur d’année sans déclarer quoi que ce soit
ceux qui achètent des appartements exclusivement pour les louer sur ces sites
ceux qui font de la location de karcher ou perceuse un business juteux
etc...
Mais que fait la police ?
Côté politique, hormis pour la location de logements, le problème n’a pas vraiment été identifié. Ceux qui font l’aller retour Paris-Nice plusieurs fois par semaines en proposant 8 sièges sont pourtant faciles à identifier. La municipalité de Paris a récemment fait le buzz en médiatisant les contrôles de logements mis en location sur AirBnB et autres sites équivalents. On ne peut que s’en féliciter.
Que font les autres municipalités pour fixer des règles et pour les contrôler ? Que font les services fiscaux ?
Quand tant de gens sont sans logement, pourquoi les politiques laissent-ils le parc locatif dériver vers AirBnB ? La question est simple : préfère-t-on de vrais habitants ou des touristes ? Veut-on repousser les vrais habitants toujours plus loin de la ville ? Veut-on des villes réservées aux riches et aux touristes et les campagnes aux bouseux et aux fauchés ?
Mais que font ces sites pour dissuader les abus ?
Quand un internaute fait plusieurs fois par semaine ou même par mois l’aller-retour Paris-Nice en proposant 8 sièges à la location, c’est plutôt simple à savoir pour l’éditeur du site Internet. N’a-t-il pas un devoir de rappel de la loi ? un devoir de contrôle ? un devoir de transmission aux autorités ?
Un employeur transmet à l’administration fiscale le montant des salaires perçus et tout le monde trouve cela plus simple. Pourquoi pas la même chose pour ces chiffres d’affaires ? C’est à la loi de fixer les montants de franchise, pas aux sites à estimer si le montant est élevé ou non. Ce qu’oublie chaque éditeur de site, c’est que le bien est souvent loué sur plusieurs plateformes, chaque plateforme n’ayant pas connaissance des performances des autres plateformes sur ce bien.
Un locataire n’a souvent pas le droit de sous-louer. Pourquoi les sites ne vérifient-ils pas que la personne qui met un bien en location est bien propriétaire du bien ?
Certaines villes imposent aux propriétaires d’avoir modifié le statut de leur logement. Les sites vérifient-ils cette déclaration ?
Lors du congrès annuel 2013 du SYNHORCAT, le directeur France d’AirBnB assurait être en discussion avancée avec le fisc français afin de transmettre le listing des revenus réalisés par des propriétaires/locataires de logements en France. Où en est cette « discussion » ?
Quand la politique va-t-elle évaluer la situation et établir des limites ?
La taxe locale est enfin appliquée à ce type de location et surtout collectée par les sites. Çà rend d’un coup ces locations beaucoup moins concurrentielles une fois qu’on y ajoute dans le cas d’une famille 4 ou 5 taxes de séjour multipliées par 7 jours...
Partager son appartement quelques fois dans l’année quand on est parti, c’est effectivement un moyen de diminuer ses frais (impôts, charges, rénovation, entretien...). Il y a cependant un moment où le dépannage devient un business et c’est limite qu’il faut établir : sous la limite aucun souci et éventuellement un impôt progressif, au dessus de la limite les mêmes contraintes que les professionnels hôteliers.
Oui mais le monde merveilleux des bisounours...
Quand on écoute les ayatollahs du collaboratif, on devrait tout faire sur le mode collaboratif. Dans ce contexte comment va-t-on financer l’école ? la justice ? les hôpitaux ? le transport aérien ? le transport ferroviaire ? le fret ? les architectes ? les policiers ? les paysans ? etc...
Le modèle de société est simple : tout le monde, particuliers et entreprises, cotise à hauteur de ses revenus. Pourquoi certains revenus devraient être exonérés quand les professionnels du secteur sont taxés dès le premier euro de chiffre d’affaires ? Au nom de quoi de gros revenus « amateurs » devraient-il être exonérés au même titre que ceux des dealers « pas vu, pas pris » ? Qui peut oser soutenir publiquement ce modèle ?
Conclusion
Comme toujours, c’est une question d’équilibre qu’il va falloir trouver et parfois imposer. Un particulier qui loue son habitation une vingtaine de nuits est raisonnable, 150 nuits plus du tout.
Il va encore falloir que les syndicats professionnels montent au créneau, qu’ils rabâchent des choses qui paraissent pourtant évidentes et qu’ils passent aux yeux du public pour des empêcheurs de tricher en paix...
Et pendant ce temps, les seuls qui s’enrichissent vraiment sont ces plateformes qui se positionnent en « intermédiaire technique », ne subissent aucune contrainte similaire à celles d’une vraie agence immobilière, et expatrient leur revenus et leurs profits là où ça coûte moins cher aux actionnaires. Ces startups n’ont plus rien du conte de fée de leur origine : elles ont toutes été avalées et dévorées par la finance afin d’alimenter le monstre et asservir l’économie.
Quand va-t-on enfin regarder ce qui se passe avec objectivité ? Quand va-t-on cesser de se comporter comme des pigeons contents de manger les miettes ? A quand la révolte du collaboratif contre ce détournement par la finance ?
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